Les rois écossais de la Toscane d’Auvergne : John Stuart, le maudit

Un enfant de la Toscane d’Auvergne

À seulement quatre ans, John Stuart devient duc d’Albany : il hérite du titre de son père, tragiquement tué par un éclat de lance lors d’un tournoi. Ce coup du sort marque le début d’une vie tumultueuse, à la croisée des puissances européennes.

Élevé en Auvergne par sa mère, John – qui signe ses lettres Jehan – est très tôt introduit dans les intrigues royales. Dès l’âge de 12 ans, il sert sous les bannières du roi de France lors des campagnes italiennes. En 1501, il échappe miraculeusement à la mort lors d’une croisade avortée. Son navire, frappé par une tempête, s’échoue sur les rochers de Cythère. Malgré des conditions extrêmes, il parvient, avec quelques survivants, à rejoindre le port de l’île. Ce premier miracle ne sera pas le dernier.

Tracé approximatif de la croisade (source : John Stuart, Duke of Albany and his contribution to military science in Scotland and Italy).

La couronne d’Écosse sur la tête du comte d’Auvergne !

En 1505, sur l’ordre de Louis XII, il épouse Anne de La Tour, comtesse d’Auvergne, l’une des plus riches héritières de France. Mais, derrière cet arrangement matrimonial, se cache une ambition plus vaste : John Stuart est l’héritier potentiel du trône d’Écosse. Lorsque le roi Jacques IV périt à Flodden en 1513, les nobles écossais l’appellent à la régence pour gouverner au nom du jeune Jacques V. François I, son allié et ami, se réjouit de voir son fidèle duc jouer un rôle clé dans la politique écossaise.

À Édimbourg, John Stuart déploie une énergie sans faille. Il réorganise l’administration et la justice, modernise les fortifications et s’assure la loyauté des seigneurs locaux, allant jusqu’à apaiser la reine-mère, Marguerite Tudor, au grand dam de son frère, Henri VIII. En 1517, lors d’un retour en France, il profite de sa proximité avec la cour pontificale pour sceller une alliance de poids : le mariage de Lorenzo de Médicis avec Madeleine de La Tour d’Auvergne, unissant ainsi deux dynasties prestigieuses. De cette union naîtra Catherine de Médicis.

John Stuart, le jeune Jacques V et la reine mère, sœur du roi d’Angleterre

Un fin stratège en manque de chance

Cependant, la régence écossaise est loin d’être un long fleuve tranquille. En 1522, sous la pression anglaise, les frontières s’embrasent. John Stuart, fin stratège, prépare une riposte audacieuse, ralliant à sa cause le Danemark, l’Irlande, et même Robert de la Pole, prétendant au trône d’Angleterre. Mais alors qu’il pourrait porter un coup décisif, les nobles écossais, méfiants de leurs alliances, préfèrent négocier la paix.

L’année suivante, les tensions s’intensifient à nouveau. Stuart, de retour en France, planifie une invasion massive de l’Angleterre, mais une fois encore, la malchance le poursuit. Des pluies diluviennes transforment son avancée en un calvaire logistique. Son armée, trop petite pour maintenir le siège, doit se disperser. C’est à ce moment critique qu’il apprend la mort de sa femme, Anne, avant même d’avoir pu la rejoindre.

Vitrail de la Sainte-Chapelle de Vic-le-Comte, représentant le Duc d’Albanie et sa femme Anne de la Tour d’Auvergne

Défait sans combattre

Les événements le contraignent à abandonner ses ambitions écossaises. Jacques V monte sur le trône, et John Stuart ne remettra jamais les pieds en Écosse. Revenu en France, il rejoint François I en Italie pour une campagne militaire. Mais cette fois encore, le sort lui est défavorable. Alors qu’il progresse lentement mais habillement avec la moitié de l’armée française, François I est capturé bêtement à Pavie, pour s’être précipité à la tête de sa cavalerie. John Stuart, isolé, est contraint de battre en retraite, aidé par le pape, pour sauver ce qui reste de ses troupes.

La reddition de François Ier à Pavie (d’après Bernard Van Orley vers 1488-1541, Bruxelles)

Un diplomate redoutable

De retour en Auvergne après les campagnes militaires et sa régence en Écosse, John Stuart, duc d’Albany, se consacre à l’achèvement de la Sainte-Chapelle de Vic-le-Comte, projet architectural lancé pour honorer la mémoire de sa femme, Anne de La Tour d’Auvergne. Ce monument religieux, d’une grande importance pour la région, est orné de statues et œuvres d’art, dont certaines réalisées par le sculpteur Giovani Francesco Rustici, un artiste florentin proche de Léonard de Vinci.

Sur le plan diplomatique, John Stuart continue de jouer un rôle important en Europe. Il initie le mariage de James V avec la fille de François I, et négocie activement celui de sa nièce, Catherine de Médicis, avec le Dauphin de France, futur Henri II. Cette union, conclue en 1533, permet de renforcer les liens entre la France et la famille Médicis, une alliance stratégique qui aura une influence notable sur l’avenir politique européen.

En parallèle, Albany se rend à plusieurs reprises à Rome pour rencontrer le pape et traiter des affaires diplomatiques de l’époque. Ses compétences de négociateur et ses relations avec les grandes maisons royales lui permettent d’intervenir dans des discussions de premier plan, notamment autour du divorce d’Henri VIII d’Angleterre.

Le mariage de Catherine de Médicis avec Henri, Duc d’Orléans de Francesco Bianchi Bonavita

L’héritage de Catherine de Médicis

En 1536, après avoir légué ses biens à Catherine de Médicis et cédé ses canons écossais à Jacques V, John Stuart meurt à Mirefleurs, sans doute des suites d’un empoisonnement lors de sa dernière campagne d’Italie. Il est inhumé dans la Sainte-Chapelle de Vic-le-Comte, où l’on peut encore voir la niche qui contenait son cœur et celui de sa femme. Son héritage se perpétue à travers Catherine de Médicis, qui le considérait comme son père, et qui jouera un rôle central dans l’histoire de France.

Sources : BNF, British History, The Scot Who Was A Frenchman (Marie W. Stuart).